A Tours, Manuel Valls se pose en rassembleur

Brandissant la menace d'une gauche "pulvérisée" à la présidentielle, le Premier ministre Manuel Valls s'est repositionné samedi au centre du jeu, se disant "fier" du bilan gouvernemental, avec un appel au rassemblement lancé à Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron.

 

 

 

 

Comme toujours, parce que c'est lui, Manuel Valls a évoqué sa "loyauté" mais il n'a, cette fois, pas accolé à ce substantif le complément du nom dont il l'assortissait à chaque fois : "au Président". Samedi, à Tours, le Premier ministre s'est déclaré loyal "à la gauche et aux Français". Un point c'est tout. Pas un mot sur François Hollande. "Le livre" est passé par là… Valls se savait attendu. Jusqu'au moment de monter à la tribune, il n'a pas lâché son texte, stylo à la main, levant de temps en temps la tête pour applaudir la ministre Emmanuelle Cosse ou le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Ce dernier a pris soin de remercier le chef du gouvernement "pour le respect que tu as du PS." Et Cambadélis d'insister : "Nous discutons souvent ensemble, cela se sait peu." Cette université de l'engagement est l'occasion de mettre en scène une autre chose qui se sait peu : Valls a décidé d'être un rassembleur.

 

"J'ai toujours respecté ma famille politique, je ne l'ai jamais reniée"

"Je veux rassembler, réunir tous ceux qui ne se résignent pas à l'échec." Déjà, lundi, il s'était montré plus consensuel que d'ordinaire en assurant, à l'occasion d'un discours à Évry, que "l'islam est une part indissociable de nous-mêmes". À Tours, son ton est calme comme rarement. Remisée, la virulence du verbe. Il ne cherche plus ni à cliver, ni à transgresser. Il veut se mettre au centre de la gauche. "J'ai été parfois un lanceur d'alerte. Mais j'ai toujours respecté ma famille politique, je ne l'ai jamais reniée", se justifie-t-il.

Bien sûr, le mot "autorité" revient souvent – c'est sa marque de fabrique. Mais Valls élargit sa palette. Il fait l'éloge des syndicats – "L'histoire de la gauche se confond avec celle du mouvement syndical" –, dit vouloir représenter "les employés et les ouvriers", vante le droit d'asile… Autant de mots doux à l'oreille de la gauche. Il met en avant l'idée d'un revenu universel, qu'il érige en "une utopie concrète, qu'il faut construire pas à pas". "C'est un enjeu de dignité. C'est une exigence qui s'impose à l'État", ajoute-t-il. À gauche, ce thème est en vogue, recueillant les suffrages des écologistes comme de Benoît Hamon. 

 

"Nous devons réagir maintenant pour ne pas mourir demain"

Dans ce moment où nombre de socialistes ont honte de leur président, il exhorte la gauche à être "fière". Avertit : lors de la présidentielle de 2017, "l'anti-droite, l'anti-sarkozysme ne suffira pas", "cette fois-ci", précise-t-il, pour bien souligner la différence avec les circonstances ayant permis la victoire de François Hollande en 2012. Il faut porter l'"espoir" et être "offensifs". Sinon, assène-t-il, "la gauche qui assume les responsabilités au pouvoir" – c'est, avec "la gauche réformiste", la périphrase par laquelle il a choisi de remplacer l'expression la "gauche de gouvernement", un peu trop réductrice – court un risque : "être pulvérisée, emportée par l'ambiance actuelle, faite de divisions, de luttes d'ego, de règlements de comptes, d'irresponsabilité." Et de mettre en garde : "Nous devons réagir, réagir vite, réagir pour cesser de subir, réagir maintenant pour ne pas mourir demain. Oui, nous devons relever la tête, retrouver notre fierté, pour ne pas vivre demain avec la honte de la défaite et de l'humiliation…"

Lui qui avait théorisé l'idée de "deux gauches irréconciliables, et c'est tant mieux", avait-il dit, ne rate plus une occasion de faire savoir que cette fameuse phrase ne s'adressait ni aux frondeurs ni à aucune tendance du PS mais… à Clémentine Autain, Mélenchon et certains Verts! À Tours, il a tendu la main à "Arnaud, Emmanuel, Benoît, Aurélie". Ne manque que Mélenchon. Le chef de la majorité prend toutefois soin de préciser que dans sa ville d'Évry, il a agi avec "toute la gauche rassemblée. Socialistes, écologistes, communistes!" Même le PC est un partenaire de la gauche réformiste que Valls appelle de ses vœux. "La politique, c'est le dépassement!" a-t-il lancé d'emblée, comme une injonction à lui-même. 

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